LE BOUQUINOROUM

| UNE LABORANTINE - 01

Paul Bourget

UNE LABORANTINE

(1934)


I

Marcel Breschet, professeur de Seconde au lycée de Nevers, sortait de sa classe en discutant avec son collègue de Première, Émile Chardon. L’un et l’autre se lamentaient sur la décadence des études classiques.

 

– Pas un de mes élèves qui soit capable de me traduire une page de latin à livre ouvert, disait Breschet.

 

– Et pas un des miens, répondait son ami, qui sache composer un thème sans solécisme. C’est à désespérer de notre métier si l’on continue à nous inonder de Primaires.

 

– Quand je lis les copies des lauréats de l’ancien concours général, reprit Breschet, je vois ce que valaient les humanités d’autrefois. Quels devoirs que ceux d’un Sainte-Beuve, d’un Taine, d’un Michelet, pour ne citer que trois noms entre des centaines !

 

– Aussi ai-je décidé, fit l’autre, de quitter l’Alma mater. Mon année finie, j’entre dans la presse. Un de mes premiers articles sera sur ton Janus, si tu persévères dans ton idée de cette thèse. Car où te mènera-t-elle ?

 

– À une chaire de faculté, répondit Breschet. C’est toute l’ambition de mon père. Pense donc, il est fonctionnaire dans le sang, par réaction contre les à-coups de l’existence de mon grand-père, l’industriel. Il ne m’a laissé entrer dans l’Université qu’à la condition que j’y ferais ma carrière. Il veut que je finisse recteur comme il a fini trésorier-payeur général à Auxerre… Mais voilà qui est prodigieux, s’écria-t-il en s’arrêtant, lui ici ! Pourvu qu’il ne soit rien arrivé à maman !…

 

Il venait d’apercevoir à l’extrémité de la rue Saint-Étienne, qui jouxte le lycée, la silhouette de son père, immobile et l’attendant. Le fonctionnaire retraité se déplaçait si rarement que sa seule présence indiquait un événement d’autant plus extraordinaire qu’il n’avait même pas annoncé sa venue à son fils. Il habitait près d’Avallon, à Montigny, petit village qui domine la Cure, retiré là sur un domaine appartenant à sa femme. Il avait dû, pour être à Nevers à l’heure de la sortie des classes, prendre le premier train du matin.

 

– Ta mère est donc malade ? interrogea Chardon.

 

– Elle ne l’était pas hier.

 

– Si elle l’était aujourd’hui, ton père t’aurait averti par téléphone.

 

– Il a l’air tellement préoccupé ! Mais il nous a vus. Adieu, Émile.

 

– Fais-moi tenir des nouvelles, répondit l’autre. Tire simplement ton mouchoir de ta poche, s’il n’y a rien de ce que tu crains et que tu te sois fait, comme à ton habitude, « un cachot en Espagne », style Chamfort.

 

– Quel ami !… répondit Breschet en serrant la main de son collègue auquel, deux minutes plus tard, il adressait le signe promis. À sa question : « Ma mère ne va pas plus mal ? » son père avait répondu aussitôt :

 

– Plutôt mieux. Son cœur bat toujours un peu la chamade. Ce sont des arythmies purement nerveuses qui n’exigent pas encore la digitale. La spartéine suffit, mais ayant une décision grave à prendre et tout de suite, j’ai pensé qu’il était plus sage, pour lui éviter une émotion, d’en causer en tête à tête avec toi, d’autant plus que la chose te concerne un peu.

 

– Moi ? fit Marcel.

 

– Oui, indirectement. Mais j’aurais scrupule de ne pas t’avoir demandé ton avis… Tu sais mes relations avec ton grand-père, ou plutôt mon absence de relations ?

 

– Il n’est pas malade ? demanda le jeune homme du même accent qu’il avait tout à l’heure pour communiquer à Chardon son sursaut d’inquiétude. Celui-ci avait trop raison d’appliquer à cet inquiet, l’à peu près épigrammatique de Chamfort.

 

– Non. Mais il m’a écrit, pour la première fois depuis des années. Quand j’ai reconnu l’écriture sur l’enveloppe, j’ai espéré un mouvement de cœur qui nous rapprocherait. – Et comme Marcel lui avait pris la main et la lui serrait : – Lis la lettre, continua-t-il, tu constateras que c’est toujours la même chose.

 

Marcel avait pris l’enveloppe que lui tendait son père. Il put voir à sa déchirure qu’elle avait été ouverte nerveusement, alors que l’ancien trésorier-payeur général appliquait d’habitude aux choses de sa correspondance le soin le plus méticuleux, – un des innombrables petits signes de la discipline de son ancien métier. – La brouille entre son père et son grand-père était un des chagrins intimes de Marcel. Ses doigts à lui-même tremblaient un peu pour déplier le feuillet qui contenait seulement quelques lignes. Elles avaient pour lui une signification trop pénible. Il s’agissait d’une demande d’argent, et c’était la fréquence de pareilles requêtes qui avait irrévocablement séparé les deux hommes.

 

« Mon cher Antoine, » disait cette lettre, « si je m’adresse à toi comme je le fais, malgré la suppression de tout rapport entre nous depuis quatorze ans, c’est que j’y suis forcé par une nécessité très urgente. Tu as une fortune établie et liquide. Je suis en bonne voie de refaire la mienne, mais je ne peux pas disposer d’un capital comme celui dont j’ai besoin immédiatement : cent mille francs. Si tu l’exiges, je t’expliquerai de vive voix le motif de cette lourde dépense. Fixe-moi un rendez-vous, à la date et à l’endroit qui te conviendront. Mais je te donne dès aujourd’hui ma parole que le service que je te demande touche à mon honneur. Ce service, tu peux me le rendre sans te gêner, et moi, je considérerai cette avance comme un prêt. Je m’en acquitterai aux échéances et j’ajoute, aux intérêts que tu voudras bien fixer toi-même. J’ajoute encore que le malentendu qui nous tient éloignés l’un de l’autre depuis si longtemps continue à m’être, avec la vieillesse commençante, d’autant plus pénible qu’il me prive de tout rapport avec toi d’abord, puis avec mon filleul, et je ne cesse pas de vous aimer tous les deux, crois-en ton père, avec le meilleur de mon cœur. »

 

La signature : Marcelin Breschet, tracée en caractères plus appuyés que ceux de la lettre, témoignait d’une émotion d’autant plus impressionnante que cette étrange missive avait été rédigée évidemment avec le parti pris d’éviter toute effusion sentimentale. Elle décelait entre les deux hommes un de ces drames familiaux d’autant plus inapaisables que les événements n’y sont qu’une occasion de conflit entre d’irréductibles oppositions de caractères. Une partie de ces événements était connue du demi-filleul, car le parrainage du grand-père Marcelin avait été, volontairement, mutilé dans le prénom de Marcel, par la mère qui haïssait son beau-père, à cause de procédés que son mari avait résumés en tendant la lettre, par ces mots si simples, mais chargés pour lui et pour sa femme d’un sens si pesant : « Toujours la même chose. » Il les répéta en reprenant la lettre. Puis il se tut, tandis que son fils et lui contournaient la vieille église Saint-Étienne qui a baptisé la rue et dont la structure auvergnate faisait d’ordinaire, quand il passait là, l’objet de ses commentaires. C’est qu’il se souvenait, devant cette merveille du onzième siècle, d’une église de la même date, celle de Chauriat dans le Puy-de-Dôme, associée à ses premières impressions d’adolescence. Chauriat est tout voisin de Vertaizon dont les Breschet sont originaires. Disons dès à présent que ces Breschet se prétendaient les descendants du célèbre chirurgien de ce nom, Gilbert Breschet, fils d’un tailleur du pays, qui fut l’élève de Bonnet, le restaurateur de l’enseignement de la médecine en Auvergne après la Révolution. Gilbert Breschet finit comme professeur à la Faculté de médecine de Paris, et il remplaça Dupuytren à l’Institut. Cette parenté imaginaire, fondée sur une similitude de nom, a joué un rôle trop décisif dans l’orientation de cette modeste famille, pour qu’il n’y eût pas lieu de l’indiquer aussitôt.

 

– Eh bien ! dit Marcel, en interrompant ce pénible silence, il me semble que, sous cette forme dont je comprends que la sécheresse vous ait affecté, il n’y a pas seulement une demande d’un prêt d’argent. Ce mot d’honneur est un rappel à la solidarité du nom. C’est tout de même une tentative de rapprochement entre lui et nous.

 

– S’il n’y avait pas eu dix fois des demandes d’argent analogues avant notre brouille et rédigées d’une manière plus ou moins habile, je penserais comme toi, mais il y a eu ces demandes et toujours à la suite de quelque désastre dans une de ces entreprises d’imprudentes affaires qu’il a si audacieusement multipliées, combien de fois !

 

– Il faut penser pourtant, répondit Marcel, que nous lui devons d’être nous. Mais oui. S’il n’avait pas eu à vingt ans cet esprit d’entreprise qui lui a fait vendre notre petite campagne de Vertaizon pour fonder à Saint-Amand-Tallende une usine de papier, que serions-nous ? De pauvres cultivateurs sans aucune instruction. Avec les premiers gains de cette usine, qui a si bien réussi d’abord, il a pu te mettre au lycée de Clermont. Ensuite il a pris sur ses gains, pourtant diminués, de quoi assurer ta préparation à la Cour des comptes et aux Finances.

 

– Je n’ai pas dit qu’il manquait de générosité, mais de prudence. S’il avait su borner cet esprit d’entreprise, il n’aurait pas quitté Saint-Amand où, pour lui, il gagnait trop peu, et le voilà montant cette société qui devait fournir à Clermont le gaz et l’électricité, en perçant dans la montagne des galeries souterraines pour dériver les eaux. Il échoue et, voulant se rattraper, il fonde usine sur usine. Dentelles, tulles, lacets, fabrication de vitraux, machines agricoles, coutellerie, quelle est l’industrie familière à l’Auvergne dont il ne se soit occupé, avec des alternatives de réussites et d’avortements, et des procès, et des procès ! Le tout pour aboutir à cette installation à Paris, où il s’est occupé d’affaires de Bourse et d’automobiles. Et m’a-t-il assez souvent reproché à moi la médiocrité de ma vie de fonctionnaire ! Mais être fonctionnaire, je te l’ai dit quand je t’ai conseillé d’entrer dans l’Université, c’est le traitement assuré à la fin du mois, l’aide quand on est malade, la retraite dans la vieillesse, sans compter cette honorabilité qui permet l’entrée par le mariage dans une famille bien établie. Ainsi le mien, car enfin, c’est par ta mère que nous avons ce domaine du Morvan où je compte bien achever mes jours, où M. le recteur Marcel Breschet achèvera également les siens. Quel contraste entre ma destinée et celle de ton grand-père dont je ne conteste pas les supériorités en intelligence et en initiative !

 

Puis, montrant la lettre qu’il tenait encore à la main :

 

– Et voilà le résultat : cent mille francs à emprunter, ce qui prouve que cette nouvelle entreprise de constructions, où j’ai su par mon banquier qu’il s’est engagé, pourrait bien finir par la faillite. Quel est le sens de ce mot d’honneur, souligné ? Cent mille francs ! Je lui en ai avancé déjà tout autant, j’ai fait le compte, depuis que mon mariage m’a mis à l’aise. Il faut lui rendre cette justice, qu’il s’est toujours acquitté de sa dette. Puis comme les demandes se multipliaient, j’ai, d’accord avec ta mère, coupé court à ces avances, avec l’espoir de l’assagir. C’est alors qu’il s’est brouillé avec nous, sous le prétexte que nous n’avions pas de cœur. Pas de cœur ! Quand je n’ai pensé qu’à son intérêt ! Encore aujourd’hui, pourquoi ai-je voulu te voir et te communiquer tout de suite cette lettre que ta mère ignore ? Ce mot d’honneur, l’énormité du chiffre du prêt, l’idée d’une catastrophe possible, – je n’ai pas cru pouvoir, dans une circonstance aussi énigmatique, m’abstenir de te parler à toi. Tu es l’héritier du nom et de la fortune. Que penses-tu ?

 

– Je pense qu’en effet, il y a là une énigme et qu’il faut savoir la vérité. Ne pouvez-vous pas aller à Paris et vous informer ?

 

– Comment expliquer mon voyage à ta mère ? Dans son état de santé, je n’ose pas lui montrer cette lettre, et alors…

 

Un nouveau silence tomba entre eux.

 

– Mais toi ? fit Antoine Breschet, ne pourrais-tu pas y aller, à Paris, et voir ton grand-père ?

 

– Voir mon grand-père ? balbutia Marcel, que l’étonnement arrêta dans sa marche.

 

– Oui. Je ne suis venu à Nevers que pour te demander cela.

 

– Alors je devrai lui porter votre réponse, et quelle sera-t-elle ? Un refus, d’après les sentiments que vous m’avez exprimés sur sa lettre.

 

– Tu reconnais toi-même qu’il y a là une énigme, et par conséquent qu’une enquête est nécessaire.

 

– Et vous voulez me charger de cette enquête ?

 

– Oui, répondit le père. J’ai vu ton proviseur ce matin, dès mon arrivée. Je lui ai dit qu’une affaire de famille très urgente exigeait ta présence à Paris. Il est si content de ton service qu’il est prêt à t’accorder un congé. Il veut seulement causer avec toi avant de téléphoner au recteur, pour en fixer la durée d’après les besoins de ta classe. Ah ! lui encore, c’est un fonctionnaire, à la fois strict et humain. Naturellement je n’ai pu rien conclure de définitif sans avoir causé avec toi. Mais tu ne me feras pas cela, de me refuser une démarche dont je t’expliquerai la nature, quand tu auras accepté cette mission, car c’en est une, et que ton père te demande d’accepter.

 

Il passait dans l’accent d’ordinaire un peu solennel de l’ancien trésorier-payeur général une émotion contenue, d’autant plus touchante pour son fils qu’il avait depuis longtemps deviné cette sensibilité secrète. Si pénible que lui fût cette démarche inattendue auprès de son grand-père, il n’eut pas la force d’opposer un refus à une demande exprimée avec cette voix, avec ce regard, et il s’entendit prononcer la phrase d’acceptation :

 

– Je ferai ce que tu désires, mon père.

 

– Merci, répondit Antoine Breschet. Tu es un bon fils, Marcel. Mais il n’y a pas de temps à perdre. D’après ce que m’a dit le proviseur, le maximum de ton absence doit être de quinze jours. Nous sommes aujourd’hui mercredi. Tu devras donc être rentré à Nevers pour l’autre jeudi et il ne s’agit pas seulement de voir ton grand-père. L’enquête dont tu vas te charger suppose des recherches de renseignements assez compliquées. Mais monte tout de suite chez le proviseur. Moi, je prends à une heure le train pour Avallon. Je vais à la gare. Tu me retrouveras là, où nous déjeunerons. À ton hôtel, nous ne pourrions pas causer assez librement, et il faut que je te parle de choses plus graves encore que cette lettre de ton grand-père, et qui doivent rester confidentielles.

 

« Des choses graves et qui doivent rester confidentielles ? » se disait le jeune homme une heure plus tard, après sa visite chez le proviseur, homme excellent et qui lui avait, tout en lui accordant le congé demandé, conseillé d’utiliser son séjour à Paris pour faire quelques recherches profitables à la Bibliothèque nationale en vue de sa thèse sur Janus, tant il s’intéressait aux travaux et à l’avenir de son jeune professeur. Le temps de passer chez son ami Chardon, pour lui annoncer ce subit voyage, et il marchait vite, le long de la rue du Rempart, impatient de rejoindre son père et d’apprendre le mystère auquel celui-ci avait fait allusion. Marcel avait toujours eu l’idée que la brouille entre le correct fonctionnaire et l’aventureux industriel supposait quelques motifs secrets, étrangers à des questions pécuniaires, toujours correctement réglées, le fonctionnaire l’avouait lui-même. Les convictions religieuses de sa femme avaient dû la trouver plus implacable pour des écarts de conduite privée que le veuvage du grand-père justifiait aux yeux du monde, mais non pas pour une dévote sincère comme était Mme Breschet.

 

Il ne se trompait pas, et, à peine assis en tête à tête, dans un coin retiré du buffet, le père commença sur un ton embarrassé :

 

– Ta mission, Marcel, est double. Elle se complique, je te répète le mot, d’une enquête dont j’aurais scrupule à te charger, s’il ne s’agissait pas, comme le dit lui-même ton grand-père, de notre honneur. Posons d’abord les faits : tu arrives chez lui sans l’avoir prévenu. Il croit que tu lui apportes ma réponse à sa lettre. Il veut aussitôt savoir si elle est favorable, à moins que…

 

– Et si je lui dis aussitôt qu’elle ne l’est pas…

 

– Tu lui cites les termes mêmes de sa lettre et sa promesse de s’expliquer de vive voix sur le motif de sa demande.

 

– Oui, mais à vous.

 

– Tu me représentes. Mais je le connais. Il est probable qu’il n’a pas cherché auprès de moi seul ces cent mille francs, et dans les quarante-huit heures écoulées entre l’envoi de sa lettre et ta venue, il les aura demandés, trouvés peut-être ailleurs. Auquel cas il te laissera parler le premier sans t’interroger, d’autant plus qu il aurait sans doute quelque honte à te donner certaines explications. Tu dois bien penser que notre rupture officielle ne m’empêche pas de recueillir les moindres détails qui peuvent m’initier à son existence. Je ne dois le faire qu’avec une discrétion qui ne me permet pas d’obtenir des renseignements très précis. J’ai su cependant qu’il n’a pas toujours vécu comme son âge et sa situation de chef de famille, – il le reste malgré tout, – lui en faisaient un devoir. Or, il m’est revenu, ces temps derniers, qu’il passait pour s’intéresser beaucoup à une jeune fille, une Mlle Paule Gauthier qui exerce une profession dont le nom t’étonnera comme il m’a étonné. C’est une « Laborantine ».

 

– En ma qualité d’universitaire, dit Marcel, j’en sais le sens, moi, de ce mot, d’ailleurs très récent. Il est officiel et s’applique aux infirmières, particulièrement instruites en chimie ou en bactériologie, qui travaillent exclusivement dans les laboratoires, les Labos, comme elles disent elles-mêmes. Peut-être grand-père a-t-il été souffrant et a-t-il dû se faire faire une prise de sang, par une de ces personnes, qu’il aura trouvée sérieuse et travailleuse…

 

– Elle est en tout cas fort jolie, interrompit Antoine Breschet. Et les cent mille francs pourraient bien être destinés à une de ces réparations d’honneur que ces demoiselles ont le talent de s’assurer.

 

– Comment voulez-vous que je sache ?…

 

– Je t’ai parlé d’une enquête, insista le père. Il faut aussi que tu te renseignes sur cette Société de constructions dans les quartiers du Bois de Boulogne, qu’occupaient les fortifications : on m’y a fait allusion aussi. N’y a-t-il pas là quelque nouvelle aventure de Bourse ?

 

– Mais cette petite campagne n’est guère dans mon rayon, pour parler comme les gens du commerce.

 

– Alors tu refuses ? demanda le père après un nouveau silence. Je ne peux pourtant pas laisser une telle lettre sans réponse, et quitter Montigny, c’est inquiéter ta pauvre mère et risquer une petite crise.

 

– Eh bien ! dit Marcel avec fermeté, j’irai à Paris.

 

Il ajouta : Le proviseur m’a d’ailleurs suggéré de prendre à la Bibliothèque nationale quelques notes pour ma thèse sur Janus.

 

– Voilà qui est bien, dit Antoine Breschet. Ce conseil je te l’aurais donné moi-même. Tu es un professeur. Un professeur est un fonctionnaire. Il doit penser à son métier à travers tout. D’ailleurs cette thèse, c’est la raison de ton voyage que je donnerai à ta mère. Il faut que je puisse lui montrer toutes tes lettres. Pas un mot, par conséquent, sur tes visites à ton grand-père et sur le résultat de ton enquête. Tu ne me parleras que de ton travail. En rentrant à Nevers, tu me diras ce que tu auras découvert, et si tu estimes que nous devons ou non avancer les cent mille francs. Il m’est si dur de la refuser cette avance. C’est une grosse somme, mais qui nous sera certainement rendue. De cela non plus, pas un mot à ton grand-père, si vous touchez à cette question d’argent. Il est très fier, et la moindre idée, d’un doute sur ce règlement le froisserait. Et puis, mon enfant, sache que tu m’es bien secourable en consentant cette pénible démarche.

 

 

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